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Faut-il consommer moins mais mieux ?

« Consommer éthique c’est réservé aux riches » disent certain·es, « non il faut juste consommer moins mais mieux » rétorquent d’autres.


Certes, il est paraît préférable d’investir dans une belle pièce artisanale ou éco-conçue que l’on garde toute sa vie qu’acheter de nouvelles pièces de fast-fashion ou de fast-déco que l’on change tous les trois ans. Mais ce « moins mais mieux » m’interroge...


Consommer moins mais mieux, oui... si l'on consomme trop


L’idée c’est qu’avec le même budget, les gens achètent moins de produits, mais des produits durables. Sachant qu’en moyenne, les Français achètent 40 pièces d’habillement par an, clairement y’a moyen de faire mieux !


infographie consommation vêtements Refashion


Mais on ne peut pas demander aux personnes à tout petit budget d’acheter des produits éthiques. Par exemple, quand on n’a que 180 € de budget vêtements annuel (soit 15 € par mois), non, on n’a pas les moyens d’acheter les marques éthique. Même en seconde main, la mode éthique reste difficilement accessible à toutes les bourses (une pièce Poudre Organic d’occasion coûte par exemple entre 40 et 60 €).


Sauf qu’on a quand même un meilleur bilan que la personne qui achète pour 1200 € (100 € par mois) de vêtements éthiques ! Dans l’excellent dossier « l’écologie, un truc de bourgeois » du magazine Socialter, il est rappelé que les plus pauvres, même s’ils ont des vieilles voitures, des maisons mal isolées et des produits pas éthiques, ont un impact écologique bien moindre que les riches (sans compter que ce sont les premières victimes du dérèglement climatique).


Le mépris de classe est pavé de bonnes intentions

 

Il faut bien comprendre que quand on est un parent solo au Smic, on écume Vinted pour habiller ses enfants avec de la fast fashion de seconde main à 5 €. Et que parfois oui, on craque pour un pull neuf à 15 € chez Kiabi, fabriqué dans des conditions déplorables au bout du monde. Parce qu’on vit dans une société de consommation, remplie de publicité et d’incitations à l’achat. Même avec avec des convictions écologiques, parfois on a juste envie de vivre ce plaisir de rentrer dans un magasin de fringues et d’en ressortir avec quelque chose. Et si c’est trois fois par an, y’a pas de quoi en faire un fromage.


En fait, derrière cette injonction suinte parfois un bon vieux mépris de classe : ce sont les consommatrices d’H&M, Shein, Action ou Normal qui sont visées, mais pas celles qui dévalisent Des Petits Hauts ou Sézane. Sous une publication qui questionnait écologie et bourgeoisie, j’ai lu ce commentaire particulièrement condescendant : « j’ai remarqué les personnes les plus précaires sont les premières à dépenser 30 € chaque semaine chez Action ». Ce qui veut dire en substance : si on a les moyens d’acheter responsable, on peut s’acheter plein de trucs, mais si on n’a pas les moyens, ben on ne doit rien acheter, et accepter sans broncher les inégalités de classe.


Consommer moins mais mieux : de quel mieux s'agit-il ?



Produits écoresponsables et zéro déchets


Pour moi, le « mieux » ce sont des produits solides, fabriqués le plus proche de nous, sans matériaux toxiques ni polluants. Autant dire que même les marques hauts de gamme en sont loin. Certes Sézane est plus écoresponsable de Shein (pas très difficile, Shein étant le pire du pire). Mais Sézane n’est pas non plus un modèle de vertus avec son marketing ultra-puissant, qui crée une addiction chez ses clientes.


Ce que les défenseuses du « moins mais mieux » ont parfois tendance à oublier c’est qu’au delà de la question du coût, il y a également des habitudes de consommation propres aux milieux sociaux, qui s’apparentent à des codes culturels. Pour le dire de façon (très) caricaturale, si Sézane est une référence des milieux aisés parisiens, Action est une référence des milieux populaires péri-urbains, ou Cultura une référence des classes moyennes des petites villes etc. Changer ses habitudes de consommation c’est bouleverser ses codes culturels, son milieu de vie, voire ses fréquentations…


Cela me rappelle une conversation avec une parisienne de la grande bourgeoise qui ne comprenait pas pourquoi les gens des cités n’allaient pas aux concerts salle Pleyel alors qu’ils pouvaient se payer des places pour des matchs au stade de France. Pour elle, il était évident qu’un concert de musique classique c’était « mieux » qu’un match de foot.


Consommer moins mais mieux, c'est encore consommer...


Ce que je reproche le plus à l’adage « consommer moins mais mieux » c’est que ça reste une incitation à consommer. Je le lis souvent : « il ne s’agit pas de ne plus consommer, mais de consommer différemment ». Je ne suis pas du tout d’accord : il s’agit bien de diminuer drastiquement la consommation (de façon globale).


Car quelqu’un qui achète des produits de grandes enseignes mais globalement très peu a un meilleur bilan écologique/social que quelqu’un qui achète à outrance des pièces éthiques !


L’enjeu, pour moi, est donc avant tout de sortir de la consommation. Déprogrammer son cerveau, déconstruire son rapport à la possession. Et même quand on aime la mode ou la déco c’est possible !


C’est pour cela que j’ai essayé de faire en sorte que mon livre La déco éthique ne soit pas juste une incitation à consommer autrement, mais bien à penser autrement la décoration : en dehors des diktats, des habitudes du secteur, et bien-sûr, des tendances !


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